Une recette ne fait pas un pays, mais parfois un plat se glisse dans les interstices de l’identité nationale. La feijoada, au Brésil, assume ce rôle avec éclat, tout en se réinventant à chaque coin de rue.
Au Brésil, un même plat peut changer du tout au tout d’un État à l’autre, selon la saison ou les viandes disponibles. À Salvador, l’arrivée de fruits de mer déroute ceux du Sud, où le porc tient le haut du pavé. Dans le Minas Gerais, des familles bravent les traditions en troquant les haricots noirs contre des rouges, ébranlant ainsi l’accord national.
Impossible de parler feijoada sans évoquer les accompagnements. Farofa, riz blanc, oranges fraîches ou couennes frites : chaque table impose ses rituels, chaque cuisinier défend la légitimité de sa version.
Plan de l'article
La feijoada, bien plus qu’un simple plat brésilien
La feijoada ne se limite pas à la cuisine : elle irrigue la culture brésilienne tout entière. Le ragoût de haricots noirs, longuement mijoté, raconte à sa façon l’histoire du Brésil. Du Nordeste aux grandes tablées dominicales de Rio, le plat emblématique s’érige en rituel collectif où la convivialité s’impose.
Derrière chaque marmite de feijoada, c’est tout un voyage culinaire qui s’écrit. Chaque région, chaque famille, apporte sa nuance à ce plat traditionnel brésilien. À Rio de Janeiro, la feijoada plat national se pare d’orange, de riz et de farofa. Le Minas Gerais la muscle parfois de couennes ou de saucisses artisanales. Bahia, elle, s’autorise des touches maritimes, hommage vibrant à l’Atlantique.
Longtemps associée à l’histoire des esclaves, la feijoada a traversé les siècles pour devenir un marqueur d’identité brésilienne, hybride et créatif. Autour de la marmite, toutes les générations et milieux se retrouvent. On partage, on débat, on fait durer la fête. La feijoada reste ce fil conducteur d’une histoire culinaire en perpétuelle évolution, ancrée au cœur du Brésil.
Quels ingrédients distinguent la feijoada et ses variantes régionales ?
La feijoada traditionnelle repose sur deux piliers inamovibles :
- haricots noirs
- viandes de porc
Ce duo fonde le ragoût, que chaque région brésilienne module à sa guise. À Rio, oreilles, queue, travers et saucisses de porc s’abandonnent aux haricots pour une texture moelleuse et un parfum prononcé. À leurs côtés, riz blanc, farofa (farine de manioc grillée) et couve (chou vert finement émincé) complètent la générosité du service.
Les variantes régionales
Voici comment la feijoada se transforme selon les territoires :
- Le Minas Gerais privilégie la rusticité : la viande de bœuf séchée (carne seca) rejoint le lard, parfois relevé d’ail et de laurier. La sauce s’y fait plus dense.
- À Bahia, l’influence africaine s’affiche. Bœuf, fruits de mer et huile de dendê (palme) signent une recette puissante et colorée.
- São Paulo mise sur la simplicité : moins de morceaux, mais une saucisse fumée et un jarret servis avec une farofa fine.
Les versions végétariennes ont aussi leur place sur les tables d’aujourd’hui. Les protéines animales s’éclipsent au profit des légumes racines ou du tofu, tandis que haricots noirs et farine de manioc torréfiée conservent leur rôle central. Ces variations témoignent d’une cuisine qui change avec son temps, sans jamais rompre avec l’esprit de partage de la feijoada.
Recette pas à pas : réussir une feijoada authentique à la maison
Préparation et choix des ingrédients
Le cœur du plat reste un ragoût de haricots noirs et de viandes de porc. Optez pour des haricots secs, trempés la veille pour une cuisson harmonieuse. Les morceaux à privilégier sont variés :
- palette
- jarret
- lard fumé
- saucisse portugaise
- et, pour rappeler le Minas Gerais, un peu de bœuf salé si le cœur vous en dit.
La farofa, le riz blanc et le chou vert émincé viendront compléter l’ensemble.
Cuisson et assemblage
Commencez par faire revenir ail et oignons dans un peu d’huile, puis ajoutez les viandes en respectant leur temps de cuisson. Versez ensuite les haricots noirs égouttés, couvrez d’eau et laissez mijoter longuement à feu doux. Remuez régulièrement : la clef d’une feijoada authentique tient à la lenteur, qui permet aux arômes de s’unir et à la sauce de devenir bien onctueuse.
Dressage et service
Servez la feijoada brûlante, accompagnée de riz blanc, de farofa, de tranches d’orange et de chou sauté à l’ail. Pour ceux qui aiment relever, une sauce pimentée à part fera l’affaire. La feijoada brésilienne s’invite à la table familiale, généreuse et fidèle à l’esprit du Brésil gourmand.
Découvrir, partager et adapter la feijoada selon vos envies
La feijoada, c’est un terrain d’expression pour tous, un prétexte à la convivialité. Chaque table façonne sa recette à l’aune de ses envies, de ses souvenirs ou de ses choix alimentaires. De Rio à Salvador, on la partage le samedi ou le dimanche, dans une ambiance festive où la saveur n’a d’égale que la générosité.
Certains troquent le porc pour du bœuf, d’autres optent pour une version végétarienne où haricots noirs, patate douce, courge ou tofu fumé se répondent. Les chefs des grandes villes proposent des versions allégées, adaptées aux exigences de leurs clients, sans rien céder à l’intensité aromatique de la feijoada.
Pour personnaliser votre feijoada, variez les accompagnements :
- farofa de manioc torréfiée,
- couve sautée à l’huile de dendê,
- rondelles d’orange,
- pão de queijo, ce fameux pain au fromage qui accompagne si bien le repas brésilien.
À Rio, certains restaurants misent sur le piment, ailleurs on préfère la fraîcheur de la coriandre. La feijoada déborde des frontières, invite au partage, rassemble toutes les générations. Une marmite, mille visages : le Brésil ne cesse d’en écrire de nouveaux chapitres.



